• Flaubert prétendait passer ses textes au gueuloir pour apprécier leur rythme, leur style, pour tester leur musicalité. Moi-même, je ne suis pas comédien. Et jusqu'à ce jour, je m'étais interdit de me la jouer Gustave. J'ai eu tort. Nous avons gueulé avec mon ami et auteur Yves Robert chacun notre tour un texte en chantier. On n'a pu alors être qu'impitoyable. Si la propre bouche de l'auteur n'a parfois pas suffi à faire office de couperet sur les tournures maladroites, l'oreille de l'autre les a passées à la guillotine instantanément. Surtout l'oreille mélomane d'Yves Robert d'ailleurs. C'est un travail révélateur, sadique, jouissif, et ô combien nécessaire. Ce sont ces petits trucs qui permettent à l'auteur d'avancer.

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  • La fin, évidemment, ne fonctionne pas. Trop noire. Constat désillusionné du monde. Les personnages finissent par croupir sous terre comme Minnie dans Oh ! les beaux jours de Beckett. Fichtre ! Tout ça pour ça !
    J'ai entendu André Steiger dans l'émission Devine qui vient dîner sur la rsr, appeler de ses vœux un théâtre qui ne se contente pas de dire le monde, mais de dire le vouloir du monde. Un vouloir amélioré. Un théâtre post-brechtien. Tant que je n'aurai pas, dans Vache actuelle, trouvé une expression de ce vouloir amélioré, je considère que j'aurai fait dans la facilité.


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  • C'est la plus belle ligne de train ! Elle se trouve de l'autre côté de la Suisse, entre Coire et Brigue, à presque quatre heures de Porrentruy juste pour y embarquer. Une ligne tellement réputée qu'elle fait partie des voyages organisés pour Japonais qui tirent jusqu'à Zermatt et son Matterhorn. Plus prosaïquement, elle est classée au patrimoine mondial de l'Unesco. Et on comprend pourquoi. Le Glacier Express sillonne les sources du Rhin, complètement sauvage, presque vierge par endroits. Et puis, c'est les Grisons. Le pays le plus différent de toute la Suisse. Avec tout ça, impossible de décoller le nez de la vitre. L'ordi reste au fond du sac. Pourtant, c'est là que je boucle la boucle. Dernière grande ligne encore pas empruntée dans mes voyages. C'est presque logique que j'y aie terminé la troisième version, qui ne devrait pas être trop modifiée.

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  • Goethe a mis 50 ans pour écrire son Faust. S'il n'était pas mort, il y travaillerait encore. Ou plutôt non. Parce que les conditions ont changé. En 2007, il faut vendre un projet avant de savoir de quoi il va parler. Du pipeau pour les programmateurs et pour les commanditaires – faut pas leur dire ! Du pipeau avec pour seules garanties le bagout et les expériences passées. C'est très rare de se lancer dans un projet sans qu'il ait un plan de faisabilité. Ça signifie qu'il y a des échéances et que ça occulte la question de la genèse de Faust : Quand est-ce qu'une œuvre d'art est terminée ? Pour ma part, j'ai terminé la troisième version de Vache actuelle. Demain, quelqu'un va la lire ou la dire, et elle sera de nouveau en chantier. A chaque fois, j'espère que les retouches ne seront que chirurgicales. Et heureusement qu'il y a des retouches ! Parce que si je terminais réellement un texte, si j'accouchais de l'œuvre d'art parfaite, qui sait si je ne deviendrais pas fou ? Klein, lorsqu'il a trouvé Son bleu, s'est foutu le tour. Je crois que je tiens trop à la vie, et que je me prends pas assez au sérieux, pour être aussi perfectionniste. Je ne serai donc jamais qu'un modeste auteur.

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  • Quand je parle de la troisième version, je mens. En fait, c'est bien plus que cela. Il y a eu la fameuse semaine de résidence à la Casa Pantrova, durant laquelle sept personnes ont défriché le terrain que j'aurais dû dans des conditions normales défricher seul. Quand j'ai terminé Nature morte avec Œuf avec l'accompagnement de Jean-Marie Piemme, je me demandais comment je pourrais continuer, comment j'aboutirais au même niveau de précision sans l'aide de ce formidable pédagogue. Aujourd'hui, cette question me taraude à nouveau. Je n'aurai pas toujours sept personnes dont le seul objectif est de comprendre l'histoire que j'écris. Vache actuelle, ce sera peut-être mon dernier texte valable. Le sera-t-il d'ailleurs ? Juste là, j'ai l'impression que oui, puisque je viens de terminer cette version et que j'ai l'illusion provisoire d'en avoir résolu tous les problèmes.

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